Prédire l’impact des variations de taille corporelle sur une population de salamandre

En combinant des données de survie et de croissance incluant des recaptures incomplètes, j’ai démontré comment l’impact des variations des forces sélectives sur la dynamique des populations peut être prédit même avec des données limitées.

L’augmentation des températures liée au changement climatique entraine une modification des pressions de sélections agissant sur la taille corporelle des ectothermes dont les amphibiens. Grâce à une approche Bayésienne, j’ai montré qu’une simple diminution de 1% de la pression de sélection liée à la survie sur la taille avait le potentiel de faire diminuer de 3% à 4% le taux d’accroissement de la population. En combinant les données de survie, de reproduction et de croissance récoltées au cours d’un protocole de trois ans de capture–marquage–recapture, j’ai montré comment les conséquences du changement climatique pouvaient être étudiées à partir de données limitées et de recaptures incomplètes.

Contexte

Chez les ectothermes, on s’attend à ce que l’augmentation des températures influence directement les réactions métaboliques régissant le maintien et le développement des organismes. Par conséquent, on s’attend à ce que les pressions de sélection agissant sur la taille des individus, qui ne sera plus adapté à la quantité d’énergie produite par le métabolisme, soient modifiées. Ces modifications auront vraisemblablement des conséquences sur la reproduction et la survie et donc sur la dynamique et la viabilité des populations. Des modèles de dynamique de populations permettant de prendre en compte les modifications de la taille corporelle et ses impacts sur la survie et la reproduction sont donc nécessaires, en particulier dans les groupes sous-étudiés mais menacés tels que les amphibiens.

La salamandre cendrée Plethodon cinereus est un ectotherme vivant au Canada et dans le nord des États-Unis. Dans le sud de sa zone de répartition, elle est en déclin. Une équipe de l’Université de Richmond en Virginie a suivi une population de salamandre cendrée pendant trois ans. En collaboration avec cette équipe, j’ai développé un modèle de dynamique de population à partir des données récoltées, permettant d’évaluer l’impact indirect du changement climatique sur la dynamique de cette population, via les modifications de pressions de sélection agissant sur la taille corporelle.

Problématique

Prédire les conséquences des modifications physiologiques dues au changement climatique sur la dynamique d’une population avec des données limitées.

Approche méthodologique

J’ai utilisé une approche bayésienne et développé un integral projection model pour prédire l’impact potentiel du changement climatique sur la dynamique d’une population de salamandre cendrée. Les paramètres de survie, de reproduction et de croissance ont été estimés à partir des données de trois années de capture-marquage-recapture. Cependant, ces données ne permettant pas d’estimer l’ensemble des paramètres nécessaires au modèle, nous avons utilisé des données de la littérature provenant d’autres populations de salamandres. Ces dernières ont permis d’estimer les probabilités de reproduction, d’éclosion et de recrutement et la taille des juvéniles.

J’ai pris le soin de démontrer que les hypothèses faites à priori par le modèle n’avaient pas d’impact sur nos résultats; j’ai comparer la distribution prédite des tailles corporelles à celle observée dans la population. J’ai également testé la sensibilité de nos résultats aux différents paramètres estimés à partir des données de la littérature. Grâce, à une approche bayésienne, j’ai pu intégrer à nos prédictions, l’incertitude liée à l’ensemble des données.

Pour estimer les conséquences du changement climatique à l’échelle individuelle et populationnelle, j’ai utilisé ce modèle pour simuler une modification de chacune des pressions de sélection agissant sur la taille corporelle: via la sélection de viabilité en utilisant la fonction de survie et via la sélection agissant sur la croissance. La croissance était modélisée grâce à un modèle de von-Bertalanffy comprenant deux paramètres principaux: le taux de croissance et la taille asymptotique.

J’ai montré qu’une simple diminution de 1% de la pression de sélection liée à la survie sur la taille avait le potentiel de faire diminuer le taux d’accroissement de la population (déjà déclinante: λ = 0.8) de 3 à 4%. Cette étude illustre que ces modèles de dynamique de populations peuvent être utilisés pour étudier l’impact du changement climatique dans des populations suivies à court terme. Les informations collectées dans la littérature provenant de populations ou d’espèces proches permettent de faire des hypothèses fiables sur les parties de cycle de vie inconnues et les processus démographiques peu variables.

Responsables de Projet et Collaborateurs
  • Raisa Hernández-Pacheco : Department of Biological Sciences, California State University-Long Beach, Long Beach, CA, USA
  • Ulrich Steiner: Evolutionary Biology, Institut für Biologie, Freie Universität Berlin, Berlin, Germany
  • Kristine L. Grayson: Department of Biology, University of Richmond, Richmond, VA, USA
Liens vers des articles associés à l’étude